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Loi sur l’équilibre budgétaire, et puis après…

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Jim Flaherty devrait confirmer dans son budget de demain sa prévision d’un retour à l’équilibre budgétaire pour l’année financière 2015-2016. À moins qu’il ne souffre d’un élan soudain de transparence et se laisse aller à le prévoir dès cette année, comme il est fort possible que cela arrive de toute façon.

Ses déficits des dernières années ont été plus bas que prévus, et sa mise à jour de la mi-novembre prévoyait un déficit de seulement 5,5 milliards de dollars pour l’année 2014-2015 qui commence le 1er avril prochain. Cette somme inclut un ajustement en fonction du risque sur les revenus de 3 milliards qui pourrait bien ne pas servir. Et hop! on n’est plus qu’à 2,5 milliards.

Ajouter à cela une petite enchère qui pourrait être payante, celle des fréquences de 700 MHz (la précédente avait rapporté plus de 4 milliards), et une vente d’actifs annoncée, mais pas comptée dans la mise à jour et…

Tout indique que Jim Flaherty ne prévoira pas le déficit zéro cette année, mais qu’il le prendra bien s’il lui tombe du ciel. Il disait justement vendredi, après avoir essayé ses nouveaux souliers, qu’il ne croyait pas en la manipulation des chiffres dans le simple but d’arriver à la prévision souhaitée.

De toute façon, l’équilibre budgétaire ne fait plus de doute, la question est plutôt quand? Et même après qu’on aura eu la réponse, cette année ou l’an prochain, c’est plutôt la perspective à long terme des finances publiques qui est significative.

Flaherty et son gouvernement ont décidé de s’en occuper à leur façon avec l’annonce dans le discours du Trône d’octobre dernier de faire de l’équilibre budgétaire un quasi-dogme, plus précisément une loi. Le Canada se joindra donc à la liste des pays, provinces ou États américains qui se sont dotés de telles lois et qui ont continué d’enregistrer des déficits ou des surplus.

Il y a toujours des échappatoires dans ces législations qui justifient qu’on s’écarte de l’équilibre dans un sens ou dans l’autre, mais surtout dans celui du déficit. L’engagement pris dans le discours du Trône semble lui aussi laisser entrevoir des portes de sortie. Il suffit de bien lire le paragraphe :

« Il ira même plus loin. Notre gouvernement enchâssera dans la loi la démarche qu’il a entreprise avec prudence et succès. Notre gouvernement déposera un projet de loi sur l’équilibre budgétaire. Celui-ci exigera l’adoption de budgets équilibrés en temps normal et fixera un calendrier précis pour le retour à l’équilibre budgétaire en cas de crise économique. »

Selon les définitions qu’on adoptera de certains termes, il restera une marge de manoeuvre. L’expression « temps normal », par exemple, est assez subjective et ouverte merci. À partir de quel moment sommes-nous en « crise économique »? On parle d’« adopter » des budgets équilibrés, on les présente et on les adopte en jouant sur quelques chiffres tout en sachant qu’en fin d’exercice l’équilibre prévu ne se matérialisera pas. M. Flaherty disait justement vendredi qu’il n’y croyait pas et, surtout, qu’il l’avait vu ailleurs et que ça n’avait pas fonctionné. Il est bien placé pour en parler, puisqu’il a été ministre d’un gouvernement conservateur ontarien qui a précisément fait ça en 2003.

Si la loi parle de « budgets équilibrés », est-ce comme on l’entend habituellement, tout inclus? Ou seulement le budget d’exploitation? On inclut la dette? Tous les transferts?

Vous avez compris que les futurs gouvernements auront les mains un peu attachées politiquement, mais qu’ils pourront « violer » la loi. Le Québec a une telle loi depuis 1996, la Colombie-Britannique depuis 1991, plusieurs autres provinces depuis le milieu des années 90. Et toutes ces provinces ont enregistré des déficits depuis. Aux États-Unis, les présidents Bush, Clinton et Reagan ont légiféré pour rétablir les finances publiques avec des plans de cinq ans. Seul Clinton y est parvenu grâce à un boom économique imprévu.

Ça, c’est pour la marge de manoeuvre qui va toujours rester là dans les faits. Les experts nous disent qu’au-delà de la sémantique et de la politique, le principal problème avec les lois sur l’équilibre budgétaire, c’est qu’elles amènent les gouvernements à prendre des décisions à court terme qui peuvent être nuisibles sur le plan économique.

Un rappel : qui dit « équilibre budgétaire » dans une loi dit aucun déficit et… aucun surplus non plus! Il est donc facile d’imaginer en période de forte croissance des revenus gouvernementaux en hausse, des dépenses de soutien social en baisse et un surplus anticipé au bout du compte. Comment élimine-t-on le surplus? En réduisant les impôts? En lançant de nouveaux programmes de dépenses? Des mesures de stimulation, même de surstimulation dans ce cas-ci, alors qu’à peu près tous les économistes vous diraient de tempérer l’économie.

Même problème de courte vue dans le scénario inverse. L’économie ralentit, la perspective de rentrées fiscales moindres laisse planer une menace déficitaire, que fait-on? Le ministre ne veut pas, ou ne peut pas, c’est la loi, présenter un budget déficitaire. Il va chercher des revenus, hausse les impôts ou les taxes? Ou il coupe dans ces dépenses? Ou les deux? Des mesures restrictives qui vont amplifier le ralentissement?

Heureusement, on n’en est pas là et on n’y arrivera probablement jamais. Pas parce que MM. Harper et Flaherty ne rempliront pas leur engagement sur cette loi, mais plutôt parce que les gouvernements qui les suivront feront comme ceux du reste de la planète soumis à ce genre de politique. Il y aura une certaine pression publique et politique pour modérer ses transports du côté des dépenses. Mais, advienne que pourra, quand les temps durs ou même des imprévus arriveront, il y aura une porte de sortie. Le consensus se construit rapidement autour du fait qu’on laisse aux gouvernements les moyens et la marge de manoeuvre pour minimiser l’impact des soubresauts économiques sur les finances gouvernementales. Et c’est vrai dans un sens ou dans l’autre, face aux déficits ou aux surplus importants ou persistants.

Le gouvernement Harper est d’ailleurs le meilleur exemple de la réalité économique et politique qui rattrape les gouvernements, peu importe leurs penchants ou la loi. C’est le bras tordu dans le dos que M. Flaherty a finalement accepté en 2009 de se lancer dans un plan de dépenses de stimulation en période de crise, 47 milliards sur deux ans, pour ensuite éliminer le déficit record de 55,6 milliards sur une période de cinq ans.

Une loi sur l’équilibre budgétaire n’aurait rien changé à tout ça.


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